[avertissement aux âmes sensibles et aux puristes de tout poils: ceci n'est pas un article théorique à purement parler (d'ailleurs, je n'ai pas la prétention d'en écrire un jour). Tout au plus une réflexion mêlant mathématiques et philosophie...]
- Comment il a pu me caller avec jack-7? Comment?
- Ouais, c'est un donk. De toute façon sur le long terme, il peut pas gagner, c'est impossible.
Conversation classique entre un mec qui vient de busto d'un tournoi et un pote/autre éliminé (biffer ce qui ne convient pas), entendue mille fois autour des tapis verts ou sur les forums. On se console comme on peut, en, implicitement, faisant de notre petite personne un joueur gagnant et un fish de notre adversaire qui, ce soir-là, remportera le tournoi. Le long terme, au poker, est une notion fondamentale. Pour qui veut grinder les limites les unes après les autres en cash game, pour celui qui tente de donner un sens à sa pratique intensive et compulsive des MTT. Seulement voilà: en y réfléchissant bien, le long terme n'existe pas. Et encore moins en tournoi. Le long terme est non seulement défini par le fait de jouer une infinité de mains, ce qui, on peut l'avouer sans honte, est quand même relativement inaccessible au commun des mortels, mais aussi par le fait de jouer une multitude de fois les mêmes mains, dans les mêmes conditions. J'insiste sur ce dernier point. Pour que la notion de "tendant vers l'infini" soit mathématiquement viable, il faut que les conditions de l'expérience soit rigoureusement les mêmes au fur et à mesure des essais que nous pratiquons (comme quand on tire au sort des balles de couleurs différentes placées dans une urne). Pour reprendre notre exemple ci-dessus, imaginons que notre Hero-pleureur ait eu pocket AK pique en mains et que Vilain ait détenu, pour sa part, Jpique et 7coeur. 68 contre 32%. Ce sera seulement en répétant des milliers et des milliers (et des milliers...) de fois cette main que le résultat tendra vers les valeurs absolues données ci-dessus. Et seulement pour cette situation bien précise (deux undercards vs deux over, avec la plus haute des under qui est de la même suit que les deux over, etc...). Ce qui n'est quand même, faut bien le dire même si ça fait mal au cul, pas à la portée du premier pékin venu (ah... on m'informe à l'instant que Phill Hellmuth, lui, aurait déjà, dans sa vie, joué une infinité de mains. 2 fois!). Pour la pratique de MTT, le court terme prime, puisque l'on veut jouer la gagne. Et un MTT n'a pas de lien avec un autre. Ce sont deux épreuves distinctes, dans le sens où les conditions de l'expérience varient énormément. Par contre, pour le cash game, pour les mêmes limites, on peut déjà parler un peu plus aisément de cette notion de long terme. Quoique...
En effet, l'aspect mathématique du jeu, dur et froid comme une matraque de CRS, omet, volontairement, l'aspect humain du jeu. Tout joueur est au courant que le metagame (tout ce qu'il y a autour du jeu à proprement parler) occupe une part prépondérante dans la route vers le succès (ou la défaite...). Hero call, hero fold, agressivité, profiling, définition de la hand range de vilain et plus... Tous ces éléments font partie du jeu... et sont oubliés des mathématiques. Parce que, pour que les probabilités tendent vers la norme, le mathématicien suppose que les joueurs en présence agissent de la même façon à chaque répétition de l'exercice. Autrement dit, que chacun apporte avec lui dans sa besace son A-game à chaque fois et que les tapis, la dynamique de la table soient identiques d'une fois à l'autre. Prenons, pour l'exemple, une main AA contre 56s. Si, à chaque fois, les joueurs en duel sont short et qu'ils fassent tapis, l'expérience peut être validée. Si AA slowplay une fois sur quatre, si 56s calle pour voir le flop,... Ben, plouf et replouf. Ce n'est plus la même situation. Comme tous les joueurs sont un peu fugu, il semble très difficile de reproduire à l'identique chaque situation.
Faut-il pour autant jeter la notion de long terme aux orties? Je ne pense pas. Mais je me contente désormais de me satisfaire d'un move où j'engage mon tapis en étant devant. Après, advienne que pourra... Parce que l'idée du long terme est plus frustrante qu'autre chose. Parce que, après avoir été le premier milliardaire du poker online en Sklansky Bucks, je suis vite revenu sur terre.
Et c'est que le début....
1 commentaire:
article très interessant, merci !
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