16 novembre 2009

Problème d'image

L'image est un concept fondamental de poker moderne. Tous les auteurs vont le diront, de Doyle Brunson à ElkY, en passant par les Phil (Hellmuth et autres Gordon)*. Tous les joueurs éclairés (ceux qui ont lu ces livres, donc) vous le confirmeront. Mais le problème, quand on joue au poker, jeu complexe par excellence, c'est que ces notions "de base" ne sont valables et applicables qu'en cas de connaissances partagées; c'est-à-dire uniquement dans le cas où les adversaires présents à votre table disposent, dans leur arsenal, des mêmes connaissances théoriques que vous. Autrement dit, que s'ils sont capables de comprendre et d'interpréter ce que vous faites. Il y a quelques jours, je me suis plaint (dans ce billet) d'une situation liée, entre autres, à ce concept d'image; et je vais profiter d'un commentaire de Blueberry, que je remrcie au passage, pour développer le sujet:

Blueberry a dit...
 Tu écris, je cite: "C'est la dernière fois que je ne joue pas une main dans les premiers rounds pour me construire une image!"
    Oublie même l'idée de te construire une image! Dans des tournois type fripoker, [organisateur de tournois quotidiens dont les épreuves comportent entre 20 et 50 participants qui commencent gentiment à tous se connaître. NDLA] ça ne sert à rien. Juste à perdre des jetons bêtement. La plupart des joueurs ne sont pas du tout attentifs à l'image que tu dégages sur la longueur du tournoi. Ils jouent leurs cartes, point. Et les autres, ils ont déjà une image de toi, parce qu'ils ont joué assez souvent contre toi.
    De manière générale, se construire une image, ça ne sert à pas grand-chose, surtout en MTT. Quand tu viens de passer deux heures à patiemment te construire ton image, paf, la table casse. Ou alors tu ne reçois pas les cartes qui te permettraient de profiter de ton image.
Ce commentaire mentionne plusieurs points ô combien intéressants dans la compréhension de mon propos aujourd'hui. Tout d'abord, le fait que la plupart des joueurs jouent leurs cartes, et uniquement leurs cartes. Je ne peux ici qu'être d'accord avec mon lecteur. Sans porter un quelconque jugement de valeur, je constate que même les vilains les plus expérimentés (en terme de nombre de parties disputées) ne touchent pas une bille dans ce que je vais appeler le metagame (je sais, je sais, ce terme s'emploie normalement pour décrire ce qui se passe autour du jeu, et notamment les aspects psychologiques de celui-ci. Je l'utilise sciemment dans un sens détournée pour définir toutes les notions autres que les cartes et leurs combinaisons). Que dalle de chez que dalle. D'ailleurs les réflexions autour des tapis verts sont très très souvent savoureuses et permettent de rapidement se faire une idée du niveau de chacun. Comme le dit Blueberry, le risque est effectivement de perdre des jetons en voulant jouer sur son image, parce que vilain n'est tout simplement pas capable de réfléchir à autre chose que les deux bouts de plastique qu'il a entre les mains. Ne comptez pas sur lui pour remarquer quoi ce soit en dehors de ça. Peu importe que la relance ait été effectuée depuis l'UTG ou le CO, par un joueur qui effectue son premier move de la journée ou par le maniaque de service, vilain va jouer (ou non) selon la valeur de sa main. C'est le premier cas. Mais où je donne entièrement raison au lieutenant, c'est quand il dit que ceux qui sont suffisamment attentifs pour noter ces quelques détails inhérents au jeu ont déjà une image de vous. Et c'est peut-être là que mon bât blesse. Je n'avais pas pensé à ce genre de cas de figure. Celui où les mecs vous connaissent "tellement" (ou croient vous connaître, peu importe) qu'ils jouent contre la représentation qu'ils ont de vous. Ici, la notion d'image est importante, puisque c'est elle qui influera sur les décisions de vos vilains du jour. Le hic est que si vous essayez, pour une raison ou pour une autre, de varier votre style de jeu, de renvoyer une autre image, vous pourriez bien voir vos bras tomber suite à un hero call d'un vilain... Online, la question se pose moins. L'importance de l'image est définie par deux facteurs: le premier concerne l'utilisation ou non d'un HUD par le(s) vilain(s) -perso, je n'en utilise jamais-. Dans ce cas, votre image est définie par vos statistiques et votre adversaire a la possibilité d'utiliser ces chiffres pour tenter de temps à autres un play contre vous. Le deuxième facteur est lié à l'environnement internet. Vilain multitable-t-il? Joue-t-il pour se détendre après le boulot? Est-ce un pro des 5.5$? Autant partir du principe que Vilain joue, là aussi, ses cartes.

Ce qui est utile en revanche, c'est quand on rentre dans un coup contre un bon joueur, attentif à l'image qu'on dégage, c'est de se demander quelle image il peut avoir de moi sur la base de mes précédents moves et comment pourrais-je en profiter.
Je suis cent pour cent d'accord sur la dernière phrase de Blueberry et c'est elle qui va m'amener à ma conclusion. Je pense qu'il faut redéfinir cette notion d'image en rapport avec plein d'autres facteurs environnementaux; elle est donc contextuelle; c'est-à-dire soumise à variation selon le lieu, la table, les habitués, etc. Chaque lieu, chaque organisation a son histoire, ses joueurs, ses légendes, ses donks, ses fishes, ses valeurs. Je connais plein de joueurs qui sont considérés sharks dans certains endroits et fish/donk dans d'autres. Je connais également beaucoup de joueurs qui sont connus pour être des fishes partout, mais là, c'est une autre histoire. 

On ne peut se faire comprendre que si on parle le même langage que nos interlocuteurs. Et c'est un des points le plus important, en live, en tout cas.


Chéri? J'ai un problème d'image...


*NDLA: j'ai volontairement omis de signaler ici l'auteur français qui est certainement le plus prolixe de ces dix dernières années, François Montmirel. Pourquoi? Choix de ligne rédactionnelle, on dira.

3 commentaires:

Eiffel a dit…

Excellent article, très intéressant, merci !

Matthieu a dit…

un petit rappel de ce genre fait jamais de mal :)

Blueberry a dit…

ben forcément, je ne peux qu'être d'accord.
Quel beau développement de mes idées issues de mon cerveau fertile mais brouillon et de ma maigre expérience